lundi 18 septembre 2017

La disparition de Josef Mengele d'Olivier Guez


Ce livre nous livre le parcours après-guerre de Josef Mengele, médecin généticien surnommé l'"Ange de la Mort" du camp d'Auschwitz pour les expériences épouvantables qu'il mena sur ses cobayes humains sélectionnés à l'arrivée des trains de la mort. Une "disparition" en trois temps qui commence par une "vie de pacha" sous une fausse identité dans l'Argentine de Peron, puis la cavale et une "vie de rat" passée à se terrer jusqu'à sa mort au Brésil dans les années 1970, et enfin sa "vie de fantôme" parce qu'il continua d'être traqué tant que sa mort n'a pas été divulguée et reconnue.
Une "disparition" rendue possible par de multiples complicités, dans plusieurs pays d'une Amérique du Sud émergente avec ses propres zones d'ombres, et un appui financier jamais démenti de sa famille grâce aux profits d'une entreprise Mengele & fils d'équipements agricoles qui tira son épingle du jeu après la guerre et permis de payer encore et toujours par solidarité et pour préserver du scandale leur réputation patronymique.

Les grandes lignes de l'histoire sont connues et en partie documentées, alimentées d'une large bibliographie (les journaux de Mengele tenus sur plusieurs années ont fait l'objet d'une vente aux enchères en 2011).
L'auteur indique avoir voulu s'y plonger pour savoir ce que la vie a réservé à ce criminel de guerre après la défaite de l'Allemagne et pour en devenir à son tour le "marionnettiste", celui qui nous en livre la déchéance en comblant les blancs de l'histoire par l'artifice du roman. La narration est froide, presque chirurgicale, sans aucune sympathie pour un Mengele qui jusqu'au bout pense n'être qu'un rouage qui n'a fait qu'obéir pour servir un maître et une idéologie qu'il ne renie pas ... au plus grand désarroi de son fils unique qui fait un jour le voyage pour le rencontrer et essayer de comprendre.
Une perspective historique et une plongée très intéressante dans le monde de l'après-guerre et des périodes qui suivent où rien n'est tout blanc ou tout noir, alors que des idées se figent, demeurent et se déconnectent. L'histoire d'un homme au départ sûr de lui et imbu de lui-même qui s'use et s'aigrit avec le temps et les circonstances, rongé par l'âge, l'exil et la peur d'être rattrapé par ceux qui veulent le juger.

Pas vraiment une lecture pour se "faire du bien", le sujet ne le permettrait pas ... du lourd pour se documenter sur ce que peut représenter la "disparition de Josef Mengele" et un voyage littéraire sans rédemption du côté sombre de l'humanité.

Nota : le livre fait déjà l'objet de trois nominations pour les sélections de prix de la rentrée littéraire 2017 (Goncourt, Goncourt des lycéens et Renaudot des lycéens.)

Titre : La disparition de Josef Mengele
Auteur : Olivier Guez
Première édition : 08/2017

Vidéo Youtube Hachette France - Présentation du livre par Olivier Guez  ICI

Tiré du livre :
- (...) avant son arrivée au camp, les déportés produisaient déjà du caoutchouc synthétique pour IG Farben et des armes pour Krupp. L'usine de feutre Alex Zink achetait des cheveux de femmes par sacs entiers à la Kommandantur et en faisait des chaussettes pour les équipages de sous-marins ou des tuyaux pour les chemins de fer. Les laboratoires Schering rémunéraient un de ses confrères pour qu'il procède à  des expérimentations sur la fécondation in vitro et Bayer testait de nouveaux médicaments contre le typhus sur des détenus du camp. 
- Il sanglote en pensant que ses mentors, Eugen Fischer et le baron Otmar von Verschuer, ont admirablement tiré leur épingle du jeu. Fischer (...) coule une paisible retraite à Fribourg-en-Brisgau (...) Von Verschuer (...) grand admirateur du Fuhrer, "le premier homme d'État à prendre en compte l'hérédité biologique et l'hygiène de la race" (...) a été nommé professeur de génétique humaine à l'université de  Munster dont il est par la suite devenu le doyen, et il dirige le plus grand centre de recherche génétique d'Allemagne de l'Ouest.  
- Mengele, ou l'histoire d'un homme sans scrupules à l'âme verrouillée, que percute une idéologie venimeuse et mortifère dans une société bouleversée par l'irruption de la modernité. Elle n'a aucune difficulté à séduire le jeune médecin ambitieux, à abuser de ses penchants médiocres, la vanité, la jalousie, l'argent, jusqu'à l'inciter à commettre des crimes abjects et à les justifier. Toutes les deux ou trois générations, lorsque le mémoire s'étiole et que les derniers témoins des massacres précédents disparaissent, la raison s'éclipse et les hommes reviennent propager le mal.  
Puissent-ils rester loin de nous, les songes et les chimères de la nuit. 
Méfiance, l'homme est une créature malléable, il faut se méfier des hommes.

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